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Toussaint : la fraternité

INTRODUCTION

La sainteté, c’est Dieu qui nous la donne. Mais nous devons apprendre à nous en servir, pour l’offrir aux autres. C’est pour cela que nous sommes ici.

La sainteté, c’est la miséricorde de Dieu, son pardon, son amour. Ouvrons notre cœur et laissons-nous imprégner de la sainteté du Père.

HOMÉLIE

Jésus vient de choisir ses apôtres. Il va maintenant exposer le programme de fondation du Royaume : le sermon sur la montagne. Et ce sermon commence par la proclamation des béatitudes. Paroles de bonheur et de joie, bonheur paradoxal, joie du partage, promesses de fraternité.

Jésus a devant lui une foule. Il va en faire un peuple, une fraternité. Fratelli tutti. La dernière encyclique du pape sur la fraternité intégrale est tout à fait en consonance avec le message de ce dimanche de Toussaint. François ne cesse de redire tout au long de sa lettre « qu’on ne se sauve pas tout seul, qu’on ne peut se sauver qu’ensemble ». « Ensemble », c’est le coeur de la fête de Toussaint ! Ce monde qui veut faire de nous des foules d’individus égoïstes, nous pouvons en faire une grande fraternité si nous faisons dialoguer nos cultures. Le pape parle de tendresse, mais ce n’est pas seulement une tendresse entre personnes de sa famille, réservée à un groupe restreint, des intimes, c’est une tendresse entre les cultures, et un appel aux nations pour qu’elles forment des familles de nations, un peuple.

Comme le célèbre « I have a dream » de Martin Luther King, le pape a un rêve. Et il a bien conscience que ce rêve de fraternité universelle est une utopie, que beaucoup n’y croient pas. Il proteste à plusieurs reprises : ce n’est pas une naïveté de sa part, ce n’est pas du romantisme, une émotion subjective. Ils fait comprendre que c’est le seul avenir possible pour l’humanité ! Si nous voulons un futur pour les générations à venir, nous n’avons pas d’autre choix que cette fraternité. Ce n’est pas du sentimentalisme, rien n’est plus raisonnable !

C’est un défi ! C’est exactement ce que l’on peut dire des béatitudes, le « programme politique et religieux » de Jésus. Les béatitudes sont une invitation à la fraternité universelle. C’est un défi ! Il nous appelle à le relever ! La traduction du mot grec « makarios » par « heureux » manque de vigueur. Il faut des traductions plus énergiques, comme celles que suggèrent André Chouraqui ou soeur Emmanuelle : « en marche les pauvres, en avant les endeuillés, Yalla les assoiffés de justice, bougez-vous les faiseurs de paix, respirez à fond, ceux qui sont à bout de souffle ». En wallon, on dirait : « abîye », « allons, grouille-toi, on n’a pas le temps d’attendre ! ». « Makarios » peut aussi se traduire par « béni » : « ils sont bénis les pardonneurs, ils sont bénis les coeurs simples ». Et si nous nous référons à la racine indo-européenne du mot, la racine « aweg », qui signifie croître, grandir dans son entreprise, nous pouvons traduire : « ils sont comblés de biens divins » les humbles, car ils hériteront de la terre. Ils ont de la chance, les coeurs purs, car ils verront Dieu. Ils grandiront, ceux qui sont persécutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux.

Jésus sait bien que la construction du Royaume est un défi, cela ne se fera pas sans union fraternelle, sans communion, et il y aura des oppositions farouches. Le pape François sait bien que son appel à une politique qui abandonne le dogme de l’économie efficace, pour une politique qui met les plus fragiles et le bien commun au centre de son attention ; il a conscience que son appel au pardon et à la miséricorde, que son refus de la peine de mort, que sa condamnation de toute guerre parce qu’il n’y a pas de guerre juste, tout cela va à l’encontre de ce que les hommes au pouvoir croient et décident. Il fustige le populisme et redonne au mot « peuple » sa vraie valeur.

Alors, il rappelle la nécessité de l’éducation, fait appel au dialogue des cultures. C’est, dit-il, de l’artisanat. La construction de la fraternité est artisanale. Ce n’est donc pas hors de notre portée, pas besoin d’être un héros. Nous avons  seulement besoin de frères. Chrétiens, nous sommes des artisans.

Etre des saints, comme cette fête de Toussaint nous le rappelle et nous y invite, c’est être des artisans. Ce n’est pas une affaire d’universitaires, de compétences scientifiques, de pouvoir politique, voire de génie. C’est reconnaître que nous avons tous en nous quelque chose de Dieu, un talent d’amitié, un levain de bonté, un sel de sagesse qui est déposé en nous, et que Jésus nous engage à faire fructifier.

Le pape termine son encyclique en affirmant que c’est aussi une question de foi.  C’est la foi qui nous dit d’espérer et nous donne le goût d’agir « samaritainement ». Car la foi, c’est reconnaître que nous avons tous un même Père. Le pape va à l’essentiel, il rejoint la révélation de Jésus : Dieu est notre Père et nous sommes tous ses enfants. Tutti fratelli ! 

Jean-François Meurs, sdb

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